L’hébergement
En introduction, nous tenions à remercier F.LAVERNHE pour ce très beau texte sur l’Hébergement :
Hébergement, mon amour
Nous avons toujours eu une relation un peu compliquée. Souvent, je suis rentré chez moi fatigué, usé, énervé voire triste après une journée passée avec toi. Mais, je revenais le lendemain, gonflé à bloc pour essayer de donner le meilleur de moi-même.
Parce que ce que je faisais avait un sens. Parce que tu étais une chose importante pour moi. Parce que tu étais le cœur et la base de notre mission.
Mais, que-t’ ont-ils fait ? Comment en est-on arrivé là ? Comment puis-je aujourd’hui ressentir une telle aversion envers toi ? Après tout ce qu’on a vécu, avec tout l’attachement et la fierté que j’avais pour toi, j’ai du mal à comprendre... Ou, peut-être, que je commence à comprendre...Petit à petit, tu t’es dégradé. On a arrêté de prendre soin de ta santé et tu as commencé à être de plus en plus négligé. Je te voyais t’abîmer petit à petit et je me demandais quand on allait enfin prendre soin de ton apparence et de ton hygiène. Faute de moyens, tu es devenu petit à petit de moins en moins en forme, de moins en moins rassurant voire de plus en plus dangereux. Puis, on t’a rendu de moins en moins intéressant, de plus en plus confus, on t’a ôté tout sens commun, remplacé peu à peu par une schizophrénie sourde. On te demandait tout et son contraire. Les choses changeaient d’un jour à l’autre sans logique, ni raison. Avec les copains, on s’est inquiété et on a alerté autour de nous.
Là, de beaux messieurs très bien habillés, bardés de diplômes et de certitudes, nous ont dit que c’était de notre faute. Ils nous ont alors expliqué en long, en large et en travers, comment nous devrions faire avec toi alors même qu’ils n’avaient jamais vécu notre histoire. Tout juste avaient ils lu deux romans de gare et quelques livres de coaching qu’ils s’improvisaient spécialiste de notre relation. Alors, même si l’on sentait que quelque chose clochait, on a commencé à faire ce qu’ils nous demandaient. Et c’était pire ! Non seulement, on ne savait plus ce qu’on faisait exactement avec toi, mais en plus, ça marchait encore moins bien qu’avant.
Alors, nous sommes retournés voir les beaux messieurs. Ils nous ont expliqué que le problème venait encore de nous. Que cela était lié au fait qu’on était des fainéants et que l’on cherchait à te fuir. Alors, ils ont imposé que nous nous occupions de toi tout le temps, jour et nuit, disponibles tous les jours, sans considération de notre fatigue ou de notre vie privée. Mais surtout, nos avis, notre technicité et nos réflexions n’étaient plus demandés, seule notre présence importait.Et tu sais le pire ? Ils ont bien failli me convaincre... J’ai honte de te le dire mais j’en suis venu à te détester. Il m’est insupportable de te voir péricliter comme ça. Il m’est difficile de te voir t’éteindre à petit feu. J’ai envisagé de te fuir, d’aller voir ailleurs si l’herbe était plus verte et la vie plus facile. Des gens bien intentionnés m’ont conseillé de le faire... Mais, je ne peux pas te laisser tomber. Je redoute le moment où les beaux messieurs vont venir t’achever comme un cheval blessé. Le plus inquiétant c’est que certains s’en réjouiraient, préférant effacer la conséquence que traiter les causes.
Pourtant, au fond de moi, je t’aime toujours. Je vois bien qu’il reste une étincelle au fond de toi. Je sens bien que nous serions capables de belles choses, si nous en avions les moyens. Je sais que nous pouvons faire beaucoup, si on nous laisse vivre notre relation dans de bonnes conditions. Je sais qu’il faut que je me batte pour que tu sois à nouveau beau et fort, pour que je sois fier de toi et que nous fassions une des plus belle chose au monde : éduquer.
Et il faut que tous les copains fassent de même pour toi, hébergement, mon amour...
I/ L’hébergement : pour le maintien de l’existant, la diversification de l’offre, de réels moyens et contre la marchandisation et la privatisation des structures.
A/ Le placement judiciaire : Une offre insuffisante et inadaptée.
Il est important de rappeler qu’une prise en charge éducative doit être construite au regard de la situation du mineur, et dans toute sa composante. C’est ainsi que le jeune pourra prétendre à un projet éducatif personnalisé. Cette idée doit être défendue comme un dogme et non pas comme une option. Or, nous constatons depuis longtemps, que l’offre de placement judiciaire ne répond que partiellement à cette nécessité absolue. Faute de moyens et de structures adaptées, les jeunes se retrouvent le plus souvent placés dans des établissements par défaut et parfois éloignés de plusieurs centaines de kilomètres de leur famille. C’est bien pour cette raison que la CGT PJJ défend depuis plusieurs années une offre de placement suffisamment diversifiée et adaptée, pour donner toutes les chances à des mineurs qui en ont rarement eu.
Le paysage du placement judiciaire doit évoluer et surtout ne pas se réduire aux CEF et aux UEHC. Il doit intégrer de nouveaux projets à la fois audacieux, créatifs mais surtout adaptés à notre public.
Le placement judiciaire est un transfert de garde temporaire, et doit offrir aux jeunes de nouvelles perspectives trop souvent perçues comme inaccessibles. Ne pas les oublier, leur redonner espoir dans une société "désenchantée", c’est tout l’enjeu de nos missions du service public.
La diversification des parcours n’a jamais été jusqu’à ce jour une priorité pour l’administration, pour preuve les UEHDR et les CER n’ont toujours pas de cahiers des charges. Depuis peu de temps, la diversification devient la “formule magique” pour sauver les hébergements. Or dans la réalité, on constate une construction massive de CEF, en majorité confiés au SAH, et une transformation des UEHDR en UEHD. De la même manière, l’hébergement classique est de plus en plus transféré au SAH. Et pour le reste, la seule proposition de l’administration est de panser les difficultés des hébergements collectifs en saupoudrant de la diversification (8 places sur le collectif et 4 diversifiées en UEHC et potentiellement en CEF). Si cela peut constituer une promesse intéressante, nous sommes curieux d’en découvrir les modalités pratiques, notamment en CEF. Toutefois, la CGT PJJ sera toujours prête à apporter son concours pour faire ses propositions. Afin de concrétiser son intention, la PJJ doit nécessairement commencer par valoriser le travail des familles d’accueil en les professionnalisant et en les rémunérant à leur juste valeur. En résumé, il est indispensable que la PJJ se donne les moyens de ses projets.
Si notre OS demande depuis longtemps un état des lieux, les états généraux de l’hébergement actuellement en cours, ne constituent certainement qu’une “fabrique du consentement”. La démarche est claire, on fait semblant de consulter les agents et les OS pour se targuer de leur caution. La CGT PJJ n’est pas dupe car la soupe que l’administration nous sert ne répond pas à la réalité de ce qui se passe sur les territoires : implantations des CEF déjà décidés, UEHC sur la sellette, quasi disparition des CER publics, transferts au SAH…
Au regard de ces différents constats, on peut raisonnablement se poser la question de l’avenir de l’hébergement public. On sait que l’administration veut faire des économies et récupérer des emplois, les foyers publics apparaissent donc comme une aubaine tant sur le plan immobilier que sur celui de la RH. Cela va totalement dans le sens de la loi de réforme de la fonction publique et des suppressions de postes annoncées par le gouvernement Macron dans le cadre de Cap 2022.
Nous, CGT-PJJ, restons convaincus que la mission d’hébergement, tant au pénal, qu’au civil, doit rester dans le giron du service public d’Etat, seul à même de protéger les adolescents pris en charge de la marchandisation du travail social.
Pour finir, la CGT PJJ tient à faire une proposition d’audiences de veille (document annexe) afin d’améliorer l’état des hébergements existants sur les territoires tout en associant les agents qui y exercent directement.
Nos revendications :
– Maintenir et renforcer les hébergements existants
– Plan de réhabilitation de l’immobilier
– Donner aux structures les moyens humains (16 éducateurs au minimum) et matériels pour travailler
– Augmenter les effectifs et diversifier les professionnels exerçant dans les hébergements
– Diversifier l’offre de prises en charge en développant de nouvelles structures
– Améliorer la formation et le recrutement de tous les personnels
– Rendre les hébergements plus attractifs pour les titulaires afin de réduire le taux de contractuels
– Maintien des hébergements dans le secteur public
– Retour des prises en charge au civil et de la mixité dans tous les hébergements de la PJJ
– Contre la politique du chiffre et pour des prises en charge de qualité
– Pour l’accès aux soins et à l’éducation dans tous les hébergements
– Pour une professionnalisation des familles d’accueil et une véritable revalorisation financière. A minima, dans un premier temps, une mise à niveau de leur rémunération avec celle du Conseil Départemental et des formations spécifiques
– Proposition des audiences de veille
– Faire apparaître sur chaque fiche de paye les nuits, les week-ends, les jours fériés et les astreintes payées sur le mois au même titre que le retrait des jours de grève
– Création ou augmentation des groupes d’agents remplaçants au niveau des DIR ou DT
– Engager une réflexion sur ce qu’est un accueil préparé
B- L’hébergement : Des conditions de travail inacceptables et une perte du sens éducatif.
On constate depuis des années un manque d’attractivité pour les postes en ébergement, les UEHC, les CEF tournent avec des contractuels et des sortants d’école, et l’administration tente de maintenir un semblant de stabilité, via la règle tacite des deux ans et les bonifications de barème, voire le profilage. Le problème est donc toujours pris à l’envers on tente de contraindre les agents ou de les appâter sans jamais se poser la question des causes de cette fuite des professionnels.
Pour la CGT-PJJ, la question essentielle est celle des conditions dans lesquelles cette mission est exercée, entre locaux délabrés, horaires décalés, non-respect de la vie privée, violence des mineurs, violences institutionnelles et dévalorisation de la mission auprès des juridictions.
1/ Organisation du temps de travail
a) Le travail de nuit favorise une discontinuité de l’action éducative et rend difficile l’exercice de la référence éducative. Il fragilise également la participation aux instances collectives, en même temps qu’elles deviennent essentielles pour la cohésion éducative des personnels. De plus, les services de nuit viennent bouleverser le rythme naturel qui a pour éventuelles conséquences : troubles du sommeil, troubles psychologiques, accidents de travail, troubles cardiovasculaires, troubles sociaux et familiaux…
Article L3122-2 c.trav. : Tout travail effectué au cours d’une période d’au moins neuf heures consécutives comprenant l’intervalle entre minuit et 5h00 est considéré comme du travail de nuit. La période de travail de nuit commence au plus tôt à 21 heures et s’achèvent au plus tard à 7 heures.
Constats divers :
– L’organisation d’équipe en alternance crée une discontinuité de l’action éducative et
rend difficile l’exercice de la référence éducative
– Difficulté de participation aux instances collectives (en même temps qu’elles deviennent essentielles pour la cohésion éducative des professionnels)
– Non prise en compte de la santé des agents dans le rythme du travail imposé - Travail isolé
– Pénibilité du travail
Nos réclamations (ce que prévoient les textes) :
– Visite médicale annuelle obligatoire, voire tous les 6 mois si spécialisation de nuit
– Pas de nuit pour les femmes enceintes à partir de 3 mois de grossesse
– Respect de la charte des temps « Circulaire ARTT de 2002 » : amplitude quotidienne de travail limitée à 12 heures, amplitude de 15 heures pour les éducateurs effectuant la nuit exceptionnellement une fois par semaine pour assister à la réunion de service, droit à la récupération de 20 min/nuit effectuée en situation de travail isolé, 4 nuits maximum par semaine
– Respect de la « note relative au plan d’actions sur les conditions de travail en hébergement » du 17 février 2016 : cycles de 12 semaines repérés et connus de tous, communication des emplois du temps à tous les agents au moins 3 semaines avant le début de chaque cycle, interdiction de l’alternance jour/nuit à partir de 3 nuits pas semaine
Nos revendications :
– Retour des veilleurs de nuit ou ATE
– Doublement des services pour permettre le non-isolement des agents
– Transparence dans un objectif d’équité pour l’élaboration des plannings
– A minima, la spécialisation de nuit doit être pour une durée maximum de 6 mois non renouvelable de suite (6 mois de jour avant un nouveau cycle de nuit)
– Reconnaissance de la pénibilité pour les agents travaillant la nuit en y appliquant les règles de majoration du droit du travail
– Revalorisation de l’indemnité nuits, dimanche et JF
– Les cycles doivent respecter le rythme biologique des agents. Pas de service de jour à partir du moment où on fait des nuits sur la même semaine
– L’amplitude de travail de 12h en semaine et de 15h les weekends et jours fériés doit être exceptionnelle
– Dispense de réunion après un service de nuit
– 1 repas doit être prévu chaque soir pour les professionnels de nuit
– Définir précisément le délai d’intervention de l’astreinte
b) L’emploi du temps des personnels est souvent « le nerf de la guerre » en hébergement. Il constitue une des conditions essentielles qui participent au bon fonctionnement d’une structure (équité, autonomie, anticipation et respect de la vie privée…).
Constats divers :
– Incohérence des plannings
– Modification récurrente du planning sans concertation et respect de la vie privée
– Pression sur les agents en déficit d’heures, déficit qui parfois est consciemment organisé par les cadres
– Information sur boite mail personnelle et par SMS contraire à la réglementation CNIL
– Aucune anticipation des plannings de cycle
– Disparité dans le traitement des agents
– Communication approximative et aléatoire des EDT
– Manque d’anticipation des plannings
– Non-respect du délai de 1 mois pour accorder les congés
– Cycle de 12 semaines maximum
– Aucun système pour pallier les arrêts intempestif
Nos réclamations (ce que prévoient les textes) :
– Respect de la charte des temps « Circulaire ARTT de 2002 » : durée légale de travail de 36h20 par semaine, 50 heures maximum sur une semaine, 44 heures en moyenne par semaine maximum sur un cycle, amplitude quotidienne de travail limitée à 12 heures en semaine et à 15 heures uniquement les samedis ou dimanches, 8 heures au moins de repos entre 2 services, les heures de récupération doivent être récupérées dans le même cycle
– Respect de la « note relative au plan d’actions sur les conditions de travail en hébergement » du 17 février 2016 : cycles de 12 semaines repérés et connus de tous, communication des emplois du temps à tous les agents au moins 3 semaines avant le début de chaque cycle
– La récupération des heures supplémentaires doit s’effectuer dans le même cycle
– Obligation pour les cadres d’apporter un avis sur les demandes de congés au moins 30 jours avant le premier jour de la date prévisionnelle de congés. A défaut, ils sont réputés acceptés, sauf situation exceptionnelle (L. 3141-16 du Code du travail). La notion de situation exceptionnelle est soumis à un avis très strict du juge administratif.
– Art. L3121-47 c.trav. : délai de prévenance de changement d’emploi du temps fixé à 7 jours sans motif et à 3 jours dans des cas précis dont remplacement d’une absence inopinée (art. L3123-24 c.trav.) Respect de la réglementation CNIL : les agents n’ont pas d’obligation à donner leurs numéro de téléphone et mail personnels. La communication des EDT ou de leurs modifications doit se faire sur les boites professionnelles ou dans les bannettes
– Seules les temps d’astreintes imposent aux agents d’être joignables. Aucune obligation à être disponible en dehors du temps de travail prévu dans l’EDT sans l’accord de l’agent
Nos revendications :
– Passage aux 32 heures/semaine
– Ouverture de réflexion sur le management et l’organisation du travail. La CGT PJJ défend un management participatif
– Elaboration des plannings par l’équipe et validation par les cadres. Transparence
dans un objectif d’équité pour l’élaboration des plannings. Le principe d’autonomie des équipes doit être inscrit dans le projet de service
– Chaque modification d’EDT doit être datée par un cadre
– Communication des EDT et de leurs modifications avec un accusé de réception
– Aucune modification de service en dessous du délai de prévenance sans l’accord de
l’agent concerné. Si l’agent accepte dans le délai inférieur, il doit bénéficier du régime
de l’astreinte - Prévoir une organisation en cas d’absences inopinées dans le projet de service
– Proposition d’un pool de remplacement sur 20h/semaine minimum avec bénéfice de l’astreinte
– Les cadres doivent veiller à ce que les agents ne soient pas en sous heures à la fin d’un cycle, sinon les heures sont réputées effectuées à la fin du cycle.
– Les agents s’engagent à donner leurs désidératas de congés sur 5 mois (2 mois + 3 Mois)
– Bilan du logiciel EDT
c) Autonomie et responsabilité des agents
Constats divers :
– Perte du sens éducatif
– Manque d’autonomie
– Sentiment de ne plus être acteur de son travail
– Climat de confiance dégradé entre les cadres et l’équipe
– Agents disqualifiés par une communication maladroite des cadres
– Les cadres s’approprient parfois l’ensemble des astreintes
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