Troubles psychiques des personnes accompagnées à la PJJ
Le Comité d’évaluation et de contrôle des politiques publiques de l’Assemblée Nationale a créé une mission d’évaluation consacrée à la prise en charge des troubles psychiques des personnes placées sous main de justice.
La CGT PJJ a participé à la table ronde qui s’est tenue le 27 mars dernier s’agissant des mineurs pris en charge par la PJJ.
En plus de cette audition, un questionnaire permettait de compléter nos interventions orales.
Notre organisation syndicale a fait appel à l’expertise et aux témoignages de ses adhérents, notamment psychologues pour être au plus proche de la réalité.
Réponses de la CGT PJJ
I. Données relatives aux troubles psychiques des jeunes sous PJJ
1. « Nous voyons de manière massive de la maladie mentale dans des lieux qui ne sont pas prévus pour l’accueillir, surtout dans les structures qui accueillent des jeunes. Les éducateurs se plaignent de plus en plus de voir arriver des enfants qui souffrent de troubles. » Partagezvous cette analyse du CGLPL ? Constatez-vous une augmentation des troubles psychiques ? Une évolution de ces troubles ?
Nous partageons ce point de vue et constatons une augmentation notable du nombre de jeunes ayant besoin d’une prise en charge en santé mentale. Il y a eu, ces dernières années, une évolution quant à la gravité des troubles psychiatriques chez notre public. De fait, pour la majorité des adolescents que nous accompagnons, le passage à l’acte est l’expression d’une souffrance le plus souvent en lien avec des carences affectives, éducatives, familiales, des traumatismes précoces, des ruptures de lien, d’environnement, etc. Ces transgressions mises en place par les adolescents peuvent donc être l’expression de certains troubles psychiques. Néanmoins, nous notons un changement dans le mode d’expression des troubles des jeunes avec des structurations psychiques qui relèveraient du soin psychiatrique.
Cela peut alors générer un sentiment d’impuissance dans les équipes où les éducateurs peuvent se retrouver démunis dans leurs prises en charge. Il paraît donc nécessaire d’étoffer la formation (initiale ou continue), de mettre en place des temps de supervision et d’analyse de pratique (APP), voire même de systématiser les conventions avec des pédopsychiatres pour intervenir dans les services.
Il apparait aussi primordial de faciliter l’accès aux soins et le lien avec ce secteur, néanmoins, force est de constater le fossé qui se creuse entre l’offre et la demande. En effet, les listes d’attente s’allongent en CMP alors que notre temporalité, comme celles des situations que nous rencontrons, nécessite des temps courts voire de l’urgence. Il faudrait repenser les modes d’intervention dans ces situations par la mise en place de prises en charge partagées et un maillage inter-institutionnel autour de ces jeunes porteurs de troubles.
2. Quels constats formulez-vous s’agissant de la santé mentale et des conduites addictives des jeunes suivis en milieu ouvert ?
Aujourd’hui une partie des jeunes pris en charge par la PJJ peut présenter des tableaux cliniques reflétant une symptomatologie nécessitant des soins psychiatriques, voire des traitements médicamenteux. Ce qui pouvait être à la marge il y a 20 ans devient une norme (troubles du sommeil, angoisses, symptômes dissociatifs, syndrome de stress post traumatique complexe, etc.).
Nous repérons davantage de troubles dépressifs, avec des jeunes en panne de désir qui se replient sur eux-mêmes et ne viennent plus chercher le lien. De même, il semble y avoir une augmentation des passages à l’acte suicidaires, notamment en détention. Par ailleurs, nous constatons une majoration des épisodes de décompensation sur un versant persécutif.
Chez les filles, les pratiques sexuelles à risques sont aussi plus nombreuses et souvent banalisées. La majorité des jeunes filles sous-main de justice a recours à des pratiques prostitutionnelles.
Il semblerait que les jeunes se réfugient beaucoup dans des conduites addictives, lesquelles se sont diversifiées. Parmi les addictions on trouve aujourd’hui du cannabis, de l’alcool, des médicaments, de la cocaïne, de l’ecstasy, du protoxyde d’azote (préoccupation grandissante, qui touche tant les adolescents que les adolescentes, notamment dans un contexte prostitutionnel), etc.
La consommation de stupéfiants, notamment le cannabis, est très largement répandue si ce n’est majoritairement la norme chez les jeunes que nous accompagnons. Le cannabis est un sujet récurrent, sa prise peut débuter à l’entrée dans l’adolescence (12/13 ans) et atteindre rapidement des rythmes très élevés (plus de 10 joints/jour).
A l’écoute du public, la consommation de stupéfiants et autres toxiques aurait des effets thérapeutiques immédiats « au moins je pense pas à mes problèmes », cette fonction antidépressive nous renvoie à la nécessité de mettre en place du soin pour des jeunes en souffrance.
De manière générale, chez notre public, il semble y avoir une majoration de conduites autoagressives.
3. Partagez-vous le constat de la représentante de l’Unafam entendue par la mission : « nos proches auraient beaucoup moins à faire avec la justice pénale s’il y avait des soins plus intégrés en amont entre addictologues et psychiatrie. » ?
Il y aurait sûrement moins de passages à l’acte pour un public souffrant de pathologies psychiques si les lieux de soins pouvaient les accueillir dans une temporalité acceptable, des conditions décentes, des professionnels en nombre, des lits d’hospitalisation disponible. S’il semble impossible de supprimer la catégorie de l’acte en tant que telle, les effets d’un véritable accompagnement soignant ne pourraient qu’opérer des effets de contenance, de stabilisation et de mieux-être pour les personnes concernées.
Les jeunes nous arrivent dans un état parfois très dégradé et avec une symptomatologie installée. Une prise en charge dès l’apparition des troubles viendrait certainement protéger des débordements pulsionnels et passages à l’acte.
4. Plusieurs experts dénoncent des facteurs de pénalisation ou de surpénalisation des personnes souffrant de troubles psychiques, ce qui conduit en détention un nombre croissant de personnes qui n’y ont pas leur place [1] . Partagez-vous ces observations 1 s’agissant des jeunes sous PJJ ? Estimez-vous que l’état de santé mentale des jeunes est bien pris en compte aux différentes étapes de leur parcours judiciaire ?
En effet, nous assistons à l’accueil (foyers, CEF, détentions…) d’adolescents dont l’accompagnement au niveau du soin s’avère complexe à différents niveaux de leur parcours judiciaire.
Premièrement, nous rencontrons des difficultés à amener les jeunes vers le soin pour plusieurs raisons :
– Ces derniers n’y sont généralement pas favorables.
– Les Centres Médico Psychologiques sont saturés et ont des listes d’attente de plusieurs mois, voire plusieurs années.
– Les familles n’ont, pour beaucoup, pas les moyens de financer l’intervention d’un professionnel en libéral.
Ensuite, il est courant d’entendre, notamment pour les jeunes ayant commis des faits de violences envers autrui, qu’ils ne relèvent plus du soin, faisant alors fi des problématiques de ce public. L’hypothèse étant que les auteurs d’agression suscitent une certaine peur chez les professionnels. Pour autant, le maillage inter-institutionnel permettant un travail sur plusieurs plans (psychologique et éducatif) parait crucial pour favoriser leur insertion ou leur réinsertion. Les liens entre la justice et la santé sont malheureusement très complexes et fragiles.
En ce qui concerne l’irresponsabilité pénale et l’atténuation de l’état de conscience au moment des faits, cela reste un débat vif qu’il s’agit de toujours conflictualiser. La question de la « place » des personnes souffrant de pathologies psychiatriques doit ainsi toujours se discuter entre le droit (application de la loi) et la clinique (effets de l’incarcération ou de l’hospitalisation) selon l’état psychique du mineur (au cas par cas).
Des jeunes souffrant de troubles psychiatriques peuvent être placés en détention en raison de leur dangerosité et du potentiel de récidive élevé, la question de la souffrance ne faisant pas toujours sens au plan pénal. Certains magistrats pourraient même penser que les jeunes bénéficient d’un service sanitaire en détention qu’ils n’auraient pas ailleurs. Pour autant, les liens entre les services éducatifs (SEEPM ou UEMO) et les services sanitaires des établissements pénitenciers (USN1, UHSA ou autres) sont délicats. Nous sommes plusieurs à constater le manque, voire l’absence totale de communication sous couvert du secret professionnel, ce qui peut entraver le travail avec les jeunes.
Plusieurs professionnels font ce constat où, par exemple, si nous sommes inquiets pour un jeune incarcéré (pour des risques suicidaires, une décompensation psychotique ou autres), la plupart de temps, nous sommes confrontés à des soignants prenant nos observations avec mesure, si ce n’est méfiance ou légèreté, à une absence de communication entre eux de nos éléments, et dans tous les cas sans dialogue ni information sur les perceptives thérapeutiques.
Pour conclure, sans lien avec des services de soin, puisqu’en grandes difficultés, les mineurs concernés ne bénéficient pas de cette pluralité complémentaire des espaces entre soin et éducatif. Nous posons de nouveau la question de l’état de notre système de santé et de la psychiatrie dans notre pays, dont les moyens pour accueillir ces personnes en souffrance ne permettent plus de produire des effets aussi contenants et soignants. Chose démontrée par le recours massif aux isolements et aux contraintes physiques (sangles, surmedicalisation…) plutôt que des lieux où l’environnement lui-même est travaillé pour produire des effets thérapeutiques.
5. Quelle est la part des jeunes sous PJJ qui font l’objet d’injonction de soins et d’obligations de soins ? De quels soins s’agit-il ?
En milieu ouvert, le pourcentage d’Obligations de Soins (OS) et « modules santé » est moins élevé qu’en foyer ou en détention, mais concerne déjà au moins un jeune sur deux. Sur les lieux d’hébergement, nous sommes sur une large majorité. Les injonctions de soin se font bien plus rares.
Les OS et « modules santé » sont ordonnés en fonction des délits ou crimes commis (violences, stupéfiants., auteurs de violences sexuelles…). Ils sont le plus souvent fléchés du côté des consommations de stupéfiants et orientés vers des professionnels du domaine de la santé (psychologues, psychiatres, addictologues…). Certains adolescents peuvent avoir cette notification de « module » / obligation de soin en fonction d’éléments spécifiques de leur histoire (troubles psychiatriques déjà diagnostiqués, événements traumatiques ciblés…).
Ces suivis sont parfois exercés par le psychologue de l’unité (hébergement, UEMO…) ou renvoyés du côté d’un service dédié (consultation jeunes, CSAPA, CRIAVS, CMP…) en fonction des possibilités (adhésion du jeune, places disponibles…).
Au vu du parcours du jeune et des faits commis, il est attendu par le magistrat que les jeunes s’investissent dans un travail d’introspection, de soin psychologique alors qu’ils n’y sont, pour la plupart, pas prêts. D’où ce fossé entre le temps judiciaire et le temps du sujet.
En ce qui concerne les auteurs de violences sexuelles, l’OS est souvent adaptée et simple à mettre en œuvre auprès de psychologue en libéral ou des antennes de soin du CRIAVS.
Les « modules santé » de la MEJ sont parfois utilisés comme une forme d’obligation de soin psychique alors que ce ne soit pas ce qui est prévu dans les textes. Cela reste pertinent quand des jeunes ont des troubles déjà identifiés et pris en charge (TDAH par exemple) et ou le module santé va consister à garantir, faire du lien, rendre compte du dispositif sanitaire extérieur PJJ, pluri-institutionnel souvent (ITEP, CMP, SESSAD, hôpital de jour…) déjà en place.
II. Impact sur les conditions de travail des professionnels de la PJJ
6. Quelles sont les principales difficultés rencontrées par les professionnels de la PJJ
dans la gestion de cette situation dans un contexte marqué par une crise du
recrutement ?
D’un point de vue général, les difficultés des équipes relèvent souvent d’un sentiment d’impuissance face à l’énigme que représente la pathologie psychique.
Nous notons un manque de connaissances et de formation poussant certains professionnels à penser « l’inadaptation » de l’adolescent au cadre de placement éducatif imposé par le magistrat.
De même, le manque de professionnels du secteur médico-social comme les psychiatres, les psychologues ou les infirmiers, ne permet pas aux jeunes d’accéder aux traitements dont ils auraient besoin, ni de soutenir l’élaboration des équipes autour des situations et de faire contenance.
Vient ainsi la création de « patates chaudes », avec lesquelles aucune institution n’accepte de travailler. Le soin perçoit ce public comme trop dangereux et relevant d’un cadre plus coercitif, et la PJJ le voyant comme trop « fou » donc relevant du soin. Ces adolescents sont alors assignés à une représentation de dangerosité ou de « folie » qui va – malheureusement – souvent de pair, malgré tous les indicateurs montrant le contraire.
Ces jeunes nécessitent une vigilance particulière, et des moyens à mettre à disposition pour créer les conditions favorables de leur accueil (professionnels en nombre, activités adaptées, possibilité de faire du 1 pour 1…). Il est important de noter qu’en milieu ouvert, les éducateurs sont souvent les seuls référents dans leur suivi et lorsqu’ils sollicitent le psychologue de l’unité, ce dernier n’a pas la possibilité d’intervenir sur des situations autres que ses mesures d’investigations. Cela serait pourtant sa place, de même que le travail de partenariat avec le secteur de soin et la prise de contact avec les différents professionnels extérieurs (psychologues et psychiatres).
Les professionnels, notamment les éducateurs, se retrouvent seuls face à des problématiques complexes de plus en plus nombreuses chez les jeunes qu’ils accompagnent. L’isolement, la surcharge de travail, le sentiment d’impuissance et la crainte liée aux différents troubles du comportement peut engendrer un épuisement au travail, ainsi qu’une perte de sens.
7. Estimez-vous que la formation des différents professionnels de la PJJ est adéquate pour gérer les situations engendrées par l’évolution des troubles psychiques des PPSMJ ?
S’agissant de public parfois similaire, nous notons une différence d’apports théoriques en ce qui concerne la psychologie de l’enfant et de l’adolescent dans la formation d’éducateur spécialisée et dans celle d’éducateur à la PJJ, ce qui questionne. La formation statutaire à la PJJ se veut très peu orientée sur les champs de la psychologie, de la psychanalyse, des sciences de l’éducation ou de la pédagogie, celle-ci apparaît fort peu adéquate pour l’accompagnement des adolescents présentant des troubles psychiques.
De même, les formations proposées dans le cadre de la formation continue ou au sein des PTF sont trop peu nombreuses et peu approfondies pour permettre une véritable mise au travail des professionnels autour de cette dimension « soignante ». Entendons ici le « soin » au sens du lien établi avec les adolescents, du travail sur la posture et des aménagements de l’environnement pour pouvoir les accueillir et les accompagner de manière adaptée. Cela s’en ressent ensuite par une résistance à traiter cette question du soin, immédiatement renvoyée du côté d’institutions sanitaires ou médico-sociales faisant l’écueil de notre propre responsabilité dans ce pan de la prise en charge.
Il serait peut-être pertinent que cette mise au travail des professionnels en passe par une mise au travail de notre administration afin que puisse être pensé l’accompagnement des mineurs à partir des présupposés théoriques issus des champs de savoirs touchant à notre pratique, avec les effets qui en découleront dans les politiques de formation et d’orientation de la protection des mineurs.
De plus, les professionnels disposent de peu de place pour maintenir et réactualiser leurs connaissances. L’évolution de la société, des différents travaux effectués sur des thèmes divers (phénomène d’emprise, psycho traumatisme, psychose…) doit être pris en compte et étudier pour faire évoluer les pratiques et le regard sur les jeunes pris en charge. Il parait nécessaire de compléter la formation des éducateurs en développant ce qu’impliquent les besoins de sécurisation attendue par ces jeunes qui sont dans une anxiété massive.
Les éducateurs ont leur place dans la dimension du « prendre soin », à condition de ne pas être isolés.
III. Accès aux soins des jeunes sous PJJ
8. Le dernier rapport de la Cour des comptes sur les jeunes et la justice pénale dénonce un accès aux soins de plus en plus difficile pour les jeunes condamnés de 15 à 25 ans. Confirmez-vous ces constats ? Pouvez-vous transmettre des éléments pour les étayer et les illustrer ? Comment les expliquez-vous ? La situation est-elle aussi dégradée dans toutes les structures de placement ou carcérales ?
L’état de l’hôpital public, et plus encore de la psychiatrie, se faisant toujours plus dégradé, l’accès aux soins psychiques se révèle effectivement de plus en plus complexe quant aux possibilités de consultation, d’accueils en hôpital de jour ou lieux de droit commun fléchés par la MDPH (IME, SESSAD, ITEP…). La saturation entre l’offre et la demande peu nécessiter une attente de 6 mois à 2 ans avant qu’un jeune puisse bénéficier d’un accompagnement adapté.
Pour des adolescents dans des états plus graves encore, les possibilités d’hospitalisation dans des lieux repérés pour ce public relèvent quasi d’un impossible étant donné l’engorgement et les fermetures successives des unités. De ce fait, il ne s’agit alors que de « gestion de crise » par appel aux urgences, stabilisation (souvent médicamenteuse) et renvoi sur les unités éducatives. La dimension clinique, soignante, malgré un désir et un engagement parfois préservé par des équipes, passe après les logiques gestionnaires et comptables des temps d’occupation de lits.
Les conditions d’incarcération des jeunes majeurs sont très difficiles : absence d’éducatif au profit du répressif, surpopulation carcérale, faible accès aux soins, violences, omniprésence du stupéfiant, des téléphones… Certains jeunes majeurs racontent des débordements, notamment des agressions par d’autres détenus qui ne sont pas contenues par les surveillants dans les centre pénitenciers, pouvant alors générer un mal-être important allant jusqu’au passage à l’acte suicidaire.
Pour illustrer nos propos, nous allons prendre un exemple de cas : un jeune homme de 17 ans a une reconnaissance MDPH depuis la primaire avec des orientations scolaires spécifiques, et depuis 2021, une orientation en Institut Médico Educatif qui n’a pu se mettre en place. Le jeune, étant inadapté aux dispositifs de droit commun, est sorti progressivement du système scolaire. Cette période de « vide » a, semble-t-il, généré des angoisses massives amenant à une décompensation psychotique avec des éléments de paranoïa l’ayant conduit à agresser sa voisine. Ce dernier étant persuadé qu’elle avait l’intention de nuire à sa mère. Suite à ce passage à l’acte, le jeune homme a été en détention provisoire durant 1 an et demi à l’EPM.
Une mesure d’investigation a été réalisée spécifiant une symptomatologie psychiatrique lourde (propos incohérents, délire de persécution, symptômes dissociatifs…). Sur le temps d’incarcération, il a dû être transféré à 6 reprises d’unité du fait de ses troubles du comportement et des difficultés que cela provoquait dans le collectif. Il a pu bénéficier d’une prise en charge par l’unité de soin (UHSA), mais le jeune homme s’est retrouvé sédaté au point d’avoir des difficultés d’élocution et de dormir toute la journée. La psychologue de milieu ouvert a donc tenté de rentrer en lien avec les professionnels de l’UHSA, mais s’est retrouvée face à l’impossibilité d’échanger sur la situation. De même, psychiatre et psychologue refusaient de participer aux synthèses. La sortie de détention n’a pu être préparée, notamment pour la continuité des soins. Il y a donc eu une rupture brutale des traitements et une réapparition des symptômes. La mère du jeune homme nous interpellant sur les dégradations commises au domicile (« il a tout cassé dans sa chambre et il a éventré son matelas ») et sur des actes de plus en plus préoccupants (propos suicidaires, menaces de mort, délires…).
Nous pouvons ici lire que la situation s’est dégradée du fait du manque de prise en charge au niveau du soin, faute de place, et d’une difficulté à stabiliser l’état du jeune homme du fait d’un manque de communication entre professionnels et entre institutions. Le plus inquiétant est l’aggravation des troubles et la marginalisation d’un jeune homme en grande souffrance et en demande d’aide. En effet, il sollicite régulièrement le service pour avoir un travail, ne prenant pas conscience de ses impossibilités.
9. Quels sont les principales difficultés ou lacunes observées dans le parcours de soin en santé mentale en détention sur les trois niveaux pour les jeunes ?
Sur certains centres de détention, nous observons :
– Un manque de lien et de transparence entre l’unité de soin et les familles (en ce qui concerne les mineurs),
– Une absence de lien avec les équipes (PJJ, AP, milieux ouverts…),
– Peu ou pas de préparation à la sortie (lien avec les lieux de soins extérieurs).
10. Le CGLPL a souligné que la prise en charge médicale dans les CEF est particulièrement inégale et plus erratique que dans les établissements pénitentiaires.
Confirmez-vous ce constat ? Pouvez-vous les illustrer et les étayer ?
Les CEF peuvent être des unités avec une habilitation pour recevoir du public PJJ, ce qui génère parfois des disparités plus importantes que s’il s’agit de structures de la PJJ. De plus, les difficultés de recrutement et de maintien des professionnels, les dysfonctionnements graves s’ajoutent à des projets d’établissement très variables.
Même si elles paraissent moindres, il y a aussi des disparités entre les différents centres pénitentiaires, notamment entre EPM et QM.
11. Quelles difficultés d’accès aux soins dans les différentes structures de placement des jeunes sous PJJ ?
Ces difficultés relèvent :
– Du manque de connaissances sur la dimension psychique et des structures de soin existantes, de formation.
– De l’état des services de psychiatrie (consultations, temps de journées, hospitalisation) qui manquent de moyens humains, financiers, techniques.
– Les résistances des adolescents face à toutes démarche de soin, soit par opposition directe, soit par opposition indirecte (évitement, fugues, mensonges…)
– Les psychologues présents dans les structures de placement peuvent rencontrer les jeunes de manière régulières à partir d’entretiens formels et de temps informels.
Néanmoins, la difficulté tient dans le temps judiciaire avec des placement qui se veulent de plus en plus courts et des levées de placements non préparées, ce qui limite grandement les possibilités de travailler.
– Concernant plus généralement la santé somatique, si les délais de consultation avec des médecins généralistes se révèlent généralement rapides, cela n’est pas toujours le cas avec des spécialistes. De ce fait, cela peut compliquer le lien avec les adolescents quant à l’attention des adultes portée à sa santé.
12. Quelles sont les principales difficultés rencontrées en milieu ouvert ?
La surcharge de mesures et la multiplicité des tâches administratives laissent de moins en moins la possibilité aux professionnels de créer du lien avec les jeunes qu’ils accompagnent.
L’alliance avec le public est la clef du travail éducatif. Les adolescents fonctionnent à l’affect et ont des problématiques complexes liées à des traumas vécus dans l’enfance (ruptures, abandons, maltraitances…), parfois de manière répétée. Il est alors nécessaire de prendre le temps de les rencontrer pour travailler avec eux et ce temps de rencontre peut être plus ou moins long (en moyenne 5 à 6 mois).
Le temps se réduit sur chaque mesure, avec une temporalité de prise en charge qui s’accélère (liée à la mise en œuvre du CJPM) : à chaque audience il faudrait trouver une autre solution, plus sévère, si la précédente ne montre pas l’arrêt des difficultés, y compris quand la précédente audience était quelques semaines plus tôt.
Les éducateurs sont donc plus pris par la rédaction de notes, la course à la recherche de place en CEF pour répondre à la commande. Le temps pour penser les besoins du mineur, pour analyser les causes des difficultés et les freins dans la prise en charge sont réduits voire inexistants.
Les psychologues sont principalement occupés à faire des MJIE en protection de l’enfance ou dans le cadre pénal (pièce juridique obligatoire qui ne fait pas sens à certains moments : début d’incarcération où toute la famille est mobilisée par les projets de sortie et n’est pas disponible pour élaborer autour de leur situation, ordonnance d’une nouvelle MJIE à la suite d’une autre, car elles ne sont valables judiciairement parlant qu’un an…).
Les professionnels font alors remonter la perte de sens dans leur travail.
13. S’agissant de l’accès aux soins des personnes soumises à une injonction ou une obligation de soins, plusieurs rapports et personnes entendues soulignent des défaillances importantes. Partagez-vous ces constats ? Quelles sont les difficultés rencontrées dans la mise en œuvre des injonctions de soins ? Des obligations de soins ? Quelle appréciation portez-vous sur la pertinence et l’efficacité de ces mesures ?
La question des injonctions / obligations de soin se trouve au milieu de la rencontre entre clinique et droit : si la loi propose ce type de mesures dans un projet de réduction des risques par prise en charge psychique, la mise au travail subjective des personnes ne peut quant à elle être ordonnée. De ce fait, si celles-ci peuvent permettre, au cas par cas, un premier mouvement vers un lieu de soin, cette dynamique se trouve souvent marginale, et donc, échoue à sa vocation.
De plus, ces injonctions / obligations sont souvent fléchées quant à une « problématique » qui ferait lien avec le(s) passage(s) à l’acte, rejoignant alors une logique purement « symptomatique ». De ce fait, il apparaît un décalage entre la demande formelle de la Justice, et le sens clinique qui opère dans le lieu de parole plus ou moins investis par le sujet, avec ses mouvements propres de mise au travail ou de résistance. Nous retrouvons cela dans les lieux de placement, où les adolescents concernés par ces obligations / injonctions ne les respectent pas toujours pour ces mêmes raisons, ne pouvant, dans la temporalité judiciaire, adhérer à une démarche de soin tant ils n’en sont pas là. Les obligations et injonctions de soins devraient être mise en place sur l’extérieur (professionnels libéraux, CMP…), mais les listes d’attente ne correspondant pas au temps judiciaire, les jeunes sont souvent reçus par les psychologues de milieu ouvert ou de l’hébergement.
Si le point positif de cette contrainte est la possible rencontre avec un professionnel de soin pouvant aboutir à déconstruire des aprioris et potentiellement se mettre au travail ; la majorité des jeunes n’adhèrent pas au suivi.
14. Comment évoluent les délais de prise en charge en cas d’identification d’un besoin dans les différentes structures ?
Les délais de prise en charge varient en fonction des lieux sollicités. Certaines équipes de soin avec lesquelles les professionnels ont l’habitude de travailler peuvent être réactives du fait des liens particuliers réciproquement investis. D’où la nécessité de prendre le temps de travailler le partenariat. Il est toutefois dommageable que ces liens tiennent souvent à des personnes et non à une institutionnalisation des accueils de manière inconditionnelle dans des délais acceptables et raisonnables.
Les hospitalisations ne sont pas concernées par ce propos puisque l’état critique des
possibilités d’accueil est un impondérable pour tous.
15. Quels sont les établissements ou structures dans lesquels la situation est meilleure ? Ceux où elle est particulièrement critique ?
Il existe une multitude de structures différentes prenant en charge les adolescents selon les territoires. Il est donc nécessaire d’avoir une bonne connaissance des partenaires existants.
Il existe plusieurs partenariats établis avec des établissement spécialisés en addictologie (CSAPA, ARPADE, LOGOS…). Les liens avec les professionnels est fluide et un vrai travail collaboratif est mis en place pour rendre opérant et vivant le parcours du jeune.
Les professionnels travaillent aussi avec certaines Maison Des Adolescents (prise en charge de jeunes, mise en place d’ateliers communs, groupe de paroles parents, groupe d’analyse Arpège qui met en lien les différents partenaires impliqués dans la prise en charge d’un jeune).
Le CEDIGG peut également être un soutien dans la prise en charge (consultations gratuites et anonymes avec médecin, infirmier et/ou psychologue autour des pratiques sexuelles).
Les lieux où la situation est particulièrement critique du fait de la saturation sont :
– les CMP
– les lieux d’insertion spécialisés malgré les orientations de la MDPH
– les services d’urgence psychiatriques
– les hôpitaux.
16. Observez-vous une proportion importante de rendez-vous médicaux non honorés par les jeunes sous PJJ, à l’instar des adultes en détention ?
Un certain nombre de rendez-vous pris par les éducateurs/éducatrices ne sont pas honorés par les adolescents, souvent par refus de ceux-ci au moment de la consultation (parfois car l’état de santé s’est amélioré jusqu’à la survenue du rendez-vous), mais cela reste marginal par rapport au nombre de visites médicales réalisées.
Concernant les rendez-vous qui concernent la dimension psychique plus spécifiquement, ceux-ci sont plus ou moins investis dans leur régularité. Il devient de plus en plus difficile de mobiliser les jeunes sur le soin, notamment du fait de leur problématiques et résistances. De plus, ils sont peu autonomes dans leurs démarches, ce qui nécessite d’avoir les moyens mais aussi du temps pour les accompagner.
17. Certains interlocuteurs ont évoqué de très importantes marges de progrès dans la délivrance des médicaments et la sécurité du circuit du médicament, ce qui favorise en particulier le trafic. Qu’en est-il dans les structures accueillant des jeunes sous PJJ ?
Sur les milieux ouverts ou structures d’insertion, il n’y a pas de délivrance de médicaments.
Sur les EPM, les traitements médicamenteux sont délivrés par des professionnels de santé (médecins ou infirmiers).
Selon les hébergements, plusieurs protocoles peuvent être mis en place. La règlementation prévoit des armoires à pharmacie fermées à clef dans une pièce dédiée aux soins des jeunes.
Certains établissements demandent le passage journalier d’un infirmier libéral, qui délivre lui même les médicaments, d’autres désigneront les professionnels en service pour les distribuer (ce qui n’est pas normal). Dans tous les cas, des cahiers permettant la traçabilité et le suivi des traitements doivent être remplis avec précaution.
18. La télémédecine est-elle déployée dans les différentes structures de la PJJ ? Qu’en pensez-vous ?
La PJJ n’a pas ou peu recours à la télémédecine. A notre sens et au vu de la complexité du public, l’accueil et le lien établi avec le médecin parait tout aussi important pour le traitement que le diagnostic et les médicaments qui seront ensuite donnés par celui-ci. Le lien au médecin peut être investi, qu’il s’agisse d’un lieu de
parole comme d’une rencontre autour du corps et de questions somatiques.
De ce fait, tous les rendez-vous médicaux sont pris pour des consultations qui seront réalisées en présence, la « télémédecine » faisant l’écueil de ce lien permis par la présence en corps de chacun.
19. S’agissant de la PJJ, plusieurs personnes auditionnées ont souligné un manque particulièrement préjudiciable de diagnostic des troubles psychiatriques et des troubles du neuro-développement. Confirmez-vous ces constats ? Quelles pistes pour y remédier ?
La question du diagnostic se fait aujourd’hui prépondérante tant dans le discours des
magistrats, que dans celui des équipes, notamment les éducateurs.
De fait, cette demande semble venir d’un manque de connaissances et de compétences s’agissant du fonctionnement de l’enfant et de l’adolescent. En effet, les remaniements psychiques en fonction des différentes phases du développement psychomoteurs et d’un vécu plus ou moins traumatogène, ainsi que la plasticité cérébrale laissent penser à une évolution possible jusqu’à l’âge adulte. Il semble alors difficile de poser des diagnostics à l’adolescence sans risquer de stigmatiser ou enfermer le jeune. De plus, les assignations à la « folie » (« psychose », « schizophrène », « autisme »…) pourraient engendrer bien davantage d’angoisses et de mouvement de résistance à accompagner ces adolescents qu’un vrai désir de compréhension d’une structuration psychique et d’une transformation des postures et des pratiques pour ces sujets. De ce fait, si cette question diagnostique est régulièrement relevée par les équipes, il s’agit surtout de l’accompagner pour qu’un discours soit posé au-delà d’une maladie qui a tendance à définir l’adolescent ; le « trouble » venant tout expliquer des comportements ou des symptômes de celui-ci. L’adolescent est alors essentialisé dans sa dimension pathologique et risque de n’être convoqué qu’à cette place dans le regard porté sur lui. Il s’agit ainsi de rappeler incessamment que le diagnostic n’a valeur que d’orientation de travail et non de sclérose de l’adolescent dans une pathologie ou une nosographie sans possibilité de s’y déplacer. Le diagnostic posé doit de ce fait toujours être évoqué avec les équipes du côté de sa labilité.
Concernant les troubles du neuro-développement, leur évaluation s’inscrit dans un projet porté par le jeune et sa famille. Le bilan neuro-psycho ne peut être imposé ni au psychologue ni aux usagers et sa pertinence intervient surtout au niveau de l’Education Nationale dans un souci d’orientation. Il y a quelques années, des bilans étaient également réalisés à la Mission Locale.
Il faut alors se demander quelles sont les réelles attentes concernant ce besoin de poser un diagnostic ? A quoi ou à qui sert-il ? Qu’est-ce que l’on imagine que cela permettrait ? Il faudrait plutôt s’interroger sur les besoins du mineur et développer des dispositifs pour y répondre (traitement médicamenteux, prise en charge spécifiques, hospitalisations de bilan…).
20. Pensez-vous qu’il soit possible et souhaitable de faire monter en compétence les psychologues de la PJJ dans ce domaine ?
Les psychologues sont normalement familiarisés avec les différentes pathologies, les types d’orientations et de lieux de soin.
Le code de déontologie des psychologues invite à maintenir à jour les connaissances
professionnelles. Il reste souhaitable que l’institution de la PJJ favorise le développement des compétences de ses agents.
Si le travail du psychologue à la PJJ reste du côté d’une finalité éducative dans un cadre judiciaire, celle-ci ne peut toutefois pas advenir sans travail d’orientation diagnostic pour adapter au mieux la prise en charge et fur et à mesure de l’évolution du mineur. Ainsi, il est nécessaire que le psychologue PJJ sache faire un travail de lien avec les structures de soin adaptées selon l’évaluation de la situation du jeune à l’instant T.
IV. Prévention et promotion de la santé
21. La nouvelle feuille de route santé des PPSMJ évoque une forte impulsion donnée au développement d’actions de prévention et de promotion de la santé. Quelles actions ont été développées en matière de lutte contre les troubles psychiques et les conduites addictives ? Quelle appréciation portez-vous sur ces actions ?
En termes de formation, il y a la mise en place de deux journées en direction des équipe sur « les 1ers soins en santé mentale ». Cette action est intéressante si cela ouvre sur des modalités concrètes de prise en charge au niveau éducatif, que cela ne se présente pas comme un catalogue de connaissances qui donnerait l’illusion de maîtriser le sujet. Il nous semble alors qu’il serait nécessaire d’étoffer les apports théoriques de cette action.
Au niveau local, les actions de prévention et de promotion de la santé s’inscrivent principalement dans le cadre des « projets bien-être » qui permettent parfois des cofinancements via d’autres acteurs. Celles-ci peuvent prendre différentes formes : médiation animale et équithérapie, médiations psycho-corporelles...
Toutefois, nous nous confrontons à la lourdeur administrative et aux empêchements
financiers. Ces actions nécessitent en effet un passage en commission afin d’être validées, puis un bilan annuel est demandé pour en attester des effets ainsi que pour pouvoir proposer une reconduction. Dans ces évaluations, sont questionnés les effets concrets, immédiats ou à plus long terme de l’action, sans considération pour le fonctionnement et l’environnement global dans lequel celles-ci s’inscrivent, clivant l’action menée du contexte dans lequel elle prend place. De plus, il semble que les prochaines actions devraient répondre à certaines exigences de l’ARS : celles-ci devront désormais entrer dans le cadre de « projet prometteurs », c’est-à-dire répondre à des critères scientifiquement validés selon ses recommandations. Exit donc le financement de projets relevant de théorisations sortant de ce cadre précis (psychanalyse, théories institutionnelles…) pour exiger un centrage autour des « compétences psycho-sociales » et sa conception comportementaliste et libérale de l’individu qui doit « capitaliser » des savoirs-être et des savoirs-faire. Le caractère politicien idéologique d’un paradigme scientiste du sujet humain prend donc le pas sur l’autonomie de la pratique des équipes selon d’autres modalités de conception des adolescents. La position clinique où le savoir se fait du côté du sujet à écouter pour l’accompagner dans son évolution devient ainsi caduque puisqu’ici, c’est un « expert » définissant des axes de réhabilitation pour les adolescents devant travailler sur un gain de capacités, effaçant toute psychopathologie, toute idée d’inconscient, relevant de toute nosographie, ne permettant plus de repères de coordonnées psychiques.
Les propositions de Frank Bellivier, délégué interministériel à la santé mentale, sont ainsi exemplaires de la perte d’autonomie des psychologues et des transformations de leurs formations et de leurs pratiques, tel que relevé par la CPL (la Convergence des Psychologues en Lutte). Des liens sont ici à faire avec les autres sections de la CGT ainsi que les associations qui tentent de faire d’autres propositions pour la profession mais aussi pour une politique de soin qui pourrait dessiner une politique de l’éducation dans notre champ.
Des conventionnements sont noués par les directions territoriales avec certaines associations et certains lieux d’accueil pour adolescents – notamment du côté des addictions (ARPADE, CSAPA, ANPAA LOGOS…) – permettant une adresse facilitée des adolescents par chaque unité du territoire. De ce côté-là, nous ne pouvons que saluer le travail des Conseillères Techniques Santé qui proposent ce travail.
V. Prise en charge de publics spécifiques
22. La nouvelle feuille de route met l’accent sur la nécessité de mieux prendre en compte certains publics spécifiques. Dans le champ d’intervention de la PJJ, identifiez-vous des publics ou territoires dont les spécificités doivent être mieux prises en compte ?
– Les jeunes ayant un syndrome de stress post traumatique. Les traumatismes non traités peuvent entraver le bon développement de l’enfant et de l’adolescent, générer des troubles du comportements favorisant leur marginalisation, et empêcher le travail éducatif. Il est nécessaire de traiter les évènements traumatiques, néanmoins, les centres spécialisés sont difficiles d’accès pour nos jeunes et les psychologues de la PJJ ne sont pas habilités pour effectuer ce travail.
– Les mineurs de moins de 16 ans - dit NIT - en décrochage scolaire et qui multiplient les exclusions. Ces derniers n’ont pas/plus accès à l’insertion puisque l’éducation nationale refuse de les réorienter.
– Les jeunes dont la situation nécessite une reconnaissance MDPH, notamment les jeunes majeurs qui accèderaient plus facilement à l’emploi.
23. Quelle appréciation portez-vous sur la prise en charge des AICS et son efficacité ?
Selon des études, 80% des AICS ne récidivent pas, non pas du fait de la prise en charge mais aussi de l’intégration du cadre et de la loi parfois floue à l’adolescence. Ce public est généralement décrit comme ayant peu de troubles du comportement, voire une sur-adaptation, ce qui nécessite une attention particulière. Ces jeunes, parfois dit « lisses », demande un travail de lien tout aussi important que des jeunes qui nous « agitent » et mettent les professionnels dans l’urgence et l’inquiétude permanente.
En interne à la PJJ, certaines actions sont mises en place sur certains territoires (ex : le groupe AICS sur le STEMO de TOULOUSE).
En externe, il existe des CRIR ou CRIAVS avec lesquels un travail est possible, mais des avis divergents ont été relevés quant à cette question : cela permet d’étayer les professionnels dans l’élaboration du parcours et de l’orientation, mais cela pourrait aussi contribuer à la création d’une catégorie faussement clinique exclusive d’autres publics. Une marginalisation de ceux qui en relèveraient pourrait s’opérer avec un discours de rejet des autres types de lieux de consultation (CMP, Consultations ados…) dont ils ne pourraient relever du fait d’une spécificité d’un acte. Les AICS seraient alors renvoyés vers ces lieux spécifiquement dédiés à leur passage à l’acte (niant d’autres faits qu’ils auraient pu commettre), et ne parviendraient pas à accéder à des établissements publics généralistes de proximité.
VI. Prévention du suicide
24. Quelle appréciation portez-vous sur les actions mises en œuvre en matière de prévention du suicide pour les jeunes sous PJJ dans les différentes structures où ils sont accueillis ? Les suicides sont plus fréquents en milieu ouvert : de quels leviers disposez vous pour y prévenir le suicide ?
A notre connaissance, il n’y a pas d’actions spécifiques en matière de prévention du suicide.
Les leviers principaux sont les entretiens et les observations.
Dans certaines structures à risque, comme les EPM, des protocoles plus spécifiques sont
mises en œuvre à l’arrivée des mineurs sur la détention du fait des risques liés au « choc carcéral ». Les psychologues PJJ reçoivent donc systématiquement chaque nouvel arrivant pour déterminer le risque de passage à l’acte suicidaire.
VII. Prise en charge des conduites addictives
25. Comment évoluent les addictions et conduites addictives des jeunes sous PJJ aux différents stades de leur parcours ?
Ces évolutions sont très singulières selon les adolescents. On constate l’impact d’un quotidien plus ou moins occupé faisant office de contenance, donnant un rythme et un sens au temps qui passe. Il y a alors généralement une diminution des conduites addictives lors d’une reprise d’insertion, signe de remobilisation du jeune ; et à
l’inverse, une augmentation des consommations lorsque le jeune se retrouve sans activité (soit à la suite d’un placement, soit une exclusion scolaire, fugue…).
Les collègues des EPM et QM observent des symptômes de sevrage chez les jeunes qui se retrouvent contraints d’arrêter brutalement leur consommations – faisant office d’automédication – tels que des insomnies, un repli sur soi, une prise de poids, une grande tristesse…Nous devons alors être vigilants à la sortie de détention, car il peut alors y avoir une reprise parfois massive des consommations et une détérioration rapide de l’état du jeune. Les consommations de toxiques divers étant la problématique principale en hébergement, leur évolution varient d’une situation à l’autre. Pour certains adolescents, le placement en foyer peut déjà permettre une première contenance, les adultes étant repérés comme ressource. De ce fait, le travail autour de cette problématique, s’en trouve facilité car présentant moins d’enjeux dans le transfert avec l’équipe éducative. Nous observons ainsi une réduction des consommations, celles-ci passant du stade de l’addiction avec effet d’anesthésiant psychique (de « narcose » comme l’écrit S. Le Poulichet), à une dimension plus épisodique et « récréative ». Pour d’autres, qui parfois arrivent sur l’établissement sans consommer de stupéfiants, les phénomènes de groupe provoquent un début d’addiction par effet de la dynamique dans laquelle ils sont inscrits et le « collage » aux autres jeunes qui est un phénomène d’identification adolescente plutôt « classique ».
26. L’attention de la mission a été attirée sur une prise en charge des addictions très insuffisante, très hétérogène et insuffisamment coordonnée avec la prise en charge des troubles psychiques. Partagez-vous ces constats ? La situation est-elle différente d’un type de structure à l’autre ?
Il n’y a pas toujours de lien entre les différents acteurs de la santé et par conséquent parfois peu de cohérence dans le parcours de soin.
Sur les lieux d’hébergement, les professionnels ont peu de leviers dans la prise en charge par rapport à cette problématique. Les jeunes vont jusqu’à consommer dans leur chambre la nuit.
L’addiction au téléphone renforce aussi leurs problèmes d’endormissement.
Il est par ailleurs nécessaire de faire valoir la dimension psychique symptomatique de l’addiction dans la tentative de la « prise en charge », à savoir, les bénéfices secondaires poussant le sujet à consommer. En effet, lorsqu’il s’agit d’un moyen de contenance psychique face au risque de décompensation (dans le cas d’adolescents psychotiques qui « tiennent » grâce aux stupéfiants), il est important de venir opérer un déplacement très fin pour ne pas provoquer d’effondrement plus grave encore que le recours à la toxicomanie dans l’équilibre psychique précaire du sujet.
Ainsi, l’adresse en direction de lieux de soin autour des addictions devrait toujours faire preuve de cette vigilance quant à la considération apportée à la fonction des stupéfiants dans l’économie psychique des adolescents.
De plus, il apparaît que la spécialisation des accompagnements ne permet parfois pas cette rigueur de questionnement clinique puisque chaque lieu se trouve assurer une mission qui lui est propre en clivant la prise en charge sanitaire : la psychiatrie pour le « trouble psychique » et l’addictologie pour faire tomber ce recours aux stupéfiants, alors même que les deux champs sont intimement liés.
27. La Fédération addiction a souligné que les mineurs en détention, particulièrement consommateurs, n’ont pas accès aux mêmes soins en addictologie qu’à l’extérieur. « L’accès à un dispositif spécialisé en addictologie et en adolescence, comme il en existe à l’extérieur, avec les CJC est manquant dans les QM, les EPM et les CEF. S’agissant des CSAPA référents qui interviennent en détention, il n’est pas prévu dans leur mission qu’ils interviennent auprès des mineurs. Ce n’est pas interdit mais ce n’est pas prévu. » Confirmez-vous ce constat ?
Non, puisqu’il semble qu’il y ait l’intervention de dispositifs spécialisés sur plusieurs EPM, à savoir des interventions de l’association ARPADE à l’EPM de Lavaur et du CSAPA à l’EPM de Meyzieu.
28. Appliquez-vous une politique de réduction des risques et des dommages à l’attention des mineurs sous PJJ ?
A la PJJ, une des missions principales est de travailler autour des facteurs de risque et de protection pour éviter la récidive et favoriser l’émergence d’une réflexion autour des consommations.
Le discours tenu auprès des adolescents va dans deux sens que nous souhaitons complémentaires :
– Le rappel à la loi et ses interdictions qui vient reposer le cadre juridique et la position du jeune dans la société.
– Le questionnement autour de la santé et la fonction du recours aux stupéfiants, permettant de travailler sur le rapport des adolescents à ces produits.
Les échanges avec certaines associations quant à cette problématique viennent aussi renforcer la capacité des équipes à pouvoir réfléchir ensemble sur les « stratégies » à adopter dans la dynamique de groupe (au niveau collectif) mais aussi singulièrement en fonction de chaque situation des adolescents.
VIII. La continuité du suivi et de la prise en charge
29. Le CGLPL a alerté sur la difficulté d’assurer la continuité de la prise en charge et du suivi pour les jeunes sous PJJ. Quels sont les principaux facteurs de rupture ? Quelles sont les principaux axes d’amélioration pour éviter ces ruptures ?
Il existent des ruptures en lien avec les problématiques du jeune (passage à l’acte, fugues, non adhésion, déménagements) et des ruptures en lien avec l’institution (changements de professionnels, placement parfois lointains, mains levées de placements, incarcération, passage à la majorité).
S’agissant des axes d’amélioration, il faut déjà mieux former les personnels à ces considérations tout au long de leur carrière. Il faut ensuite augmenter le nombre de professionnels pour permettre des accompagnements de qualité. Il faut développer les structures de prise en charge de jour et développer les conventions avec la psychiatrie.
Il faut renforcer le temps de réflexion et d’analyse au sein des unités, et un engagement des DIR à maintenir des séances de supervisions mensuelles et cliniques (et non exercées par des « coachs » tels que c’est souvent le cas) afin de soutenir une élaboration autour des passages à l’acte des adolescents (raison d’être même de nos institutions du fait de la problématique du public accueilli).
La continuité des parcours est souvent un lieu de conflictualité entre les équipes et les magistrats, dans l’application de certaines mesures (éloignement territorial, familial…) ou dans des décisions prises contre l’avis des professionnels de la PJJ. S’il s’agit de soutenir aussi l’indépendance de la Justice (surtout en cette période de dénonciation et de remise en question de l’état de droit !), les liens entre PJJ et tribunaux seraient à renforcer dans un lien partenarial dans l’intérêt du développement des mineurs selon la finalité éducative posée au principe de notre administration.
Cette piste est ici très dépendante des liens singuliers avec chaque tribunal et chaque magistrat, les transferts de travail étant différemment investis en fonction de chaque lieu…
Ainsi, il serait intéressant de pouvoir créer des temps de rencontre entre les équipes et les magistrats dans cette optique, cela n’étant pas suffisamment fait, à la fois pour des questions de séparation des places, mais aussi et surtout par manque de temps des juges, trop peu en nombre pour assurer ce travail de lien avec les différentes structures PJJ de leur territoire.
Il faut favoriser les relais avec les services du SPIP, sous forme de relai concerté (incluant la pluridisciplinarité de l’équipe, des partenaires et un temps formalisé comme une concertation, avec présence du jeune sur un temps).
30. Plusieurs rapports soulignent les risques liés au passage à la majorité. Que pensez vous des actions mises en œuvre pour amortir ce choc ?
Les derniers rapports de l’INSEE (datant déjà de 2019) pointant que 25% des personnes en rue sont passées par des structures de la protection de l’enfance (ASE/PJJ). Il semble que le moment de passage à la majorité rime souvent avec une fin de mesure d’accompagnement sans transition vers le droit commun.
La question qui serait alors à poser serait celle des possibilités et des conditions qui
permettraient un allongement des mesures de protection aux jeunes majeurs (avant la réduction drastique de ce qu’étaient les PJM ou les CJM dans une logique économique de réduction des dépenses publiques), le passage aux 18 ans ne signant souvent pas une autonomisation de fait.
En ce sens, ce temps symbolique de passage à majorité se fait régulièrement moment d’angoisse pour les adolescents, et nous pouvons observer un temps de fragilité pouvant donner lieu à de nouveaux passages à l’acte. La récidive se fait alors manière de poursuivre un accompagnement via de nouvelles mesures judiciaires face au risque de ne plus être assuré par cet autre institutionnel ou des professionnels pris dans le transfert avec eux.
Il serait donc important de renforcer la vigilance des équipes durant ce temps afin de mieux sécuriser les adolescents durant ce passage, avec les conditions données par les pouvoirs publics pour assurer une continuité pour les jeunes majeurs.
Il existe à l’étranger des dispositifs inspirés des cercles de soutien pour tous les mineurs sans soutien familiaux. Cela serait précieux à développer, notamment pour les jeunes ayant un long passé institutionnel de placement (civil/pénal).
IX. Gouvernance/pilotage/partenariats et coopération entre acteurs
31. La gouvernance de cette politique vous paraît-elle devoir être améliorée ? Quels sont de votre point de vue les principaux axes d’amélioration aux différents échelons ?
Il est plus que nécessaire d’améliorer la gouvernance de cette politique mais aussi la coordination entre tous les acteurs. Malheureusement, au-delà de la question de la compétence, nous constatons trop souvent que chacun se renvoie la balle, essentiellement pour des raisons budgétaires mais aussi de moyens.
Il est indispensable de mettre des fonds conséquents sur la prise en charge de la santé psychique des individus en général mais davantage pour les personnes placées sous main de justice car les difficultés qui s’expriment pour ces personnes sont souvent le symptôme des carences de l’Etat en la matière.
Des difficultés ou des troubles non-traités peuvent favoriser le passage à l’acte. Permettre des accompagnements adaptés, en plus de répondre aux besoins des personnes concernées, permettraient d’éviter une partie des passages à l’acte sur le plan pénal. Cela permettrait aussi à chaque secteur de réinvestir pleinement ces questions afin de réduire les écarts entre prescrit et réel. Par exemple, PJJ promotrice de santé mais sans pouvoir réellement proposer des prises en charge adaptées à la question de la santé psychique.
32. La feuille de route santé mentale des PPSMJ, non encore publiée, n’a intégré les jeunes sous PJJ que récemment et la santé des jeunes sous PJJ fait l’objet d’une démarche spécifique. L’existence de plusieurs documents ne nuit-elle pas à la lisibilité de l’action ?
La question de la multiplicité des documents se pose mais celle de leur existence encore plus.
Si la question de la santé mentale des mineurs est assez spécifiques par rapport à celle des mineurs, elle trouve aussi une différenciation des acteurs. Au premier regard, cela ne constitue donc pas forcément un difficulté.
Une fois de plus, la question est davantage celle des moyens car au-delà des feuilles de route, si les moyens nécessaires ne sont pas attribués, les marges de manœuvre resteront limitées.
33. L’amélioration des relations santé/justice dont les lacunes ont été pointées dans de nombreux rapports figure encore au nombre des axes majeurs de la nouvelle feuille de route. Quels sont les obstacles et difficultés qui persistent au niveau central, régional,
local ?
La difficulté de la psychiatrie à reconnaître la souffrance psychique et la possibilité de troubles chez des auteurs de violences. Le clivage auteur/victime est encore très prégnant dans les institutions soignantes. Encore un psychiatre rencontré récemment disait qu’on demandait à la psychiatrie de résoudre les problèmes sociaux.
Le fait que les jeunes suivis par la PJJ ne soient pas dans une démarche de demande de soins ne facilite pas non plus leur prise en charge, ni le fait qu’ils puissent également être reconnus comme victimes.
La difficulté de la psychiatrie à reconnaître la PJJ comme un véritable partenaire, qui possède aussi des compétences dans la reconnaissance et la prise en charge des troubles psychiques.
34. Quel bilan tirez-vous de la mise en œuvre et du fonctionnement des différentes
instances de coordination entre les acteurs ?
Les réunions tripartites santé-justice-SPIP n’incluent jamais les professionnels de terrain et nous n’y sommes pas associés ni dans la remontée d’information ni dans la redescente. Les conseils locaux de santé mentale sont développés mais sont plus un lieu d’échange et de réflexion entre professionnels de terrain qu’un lieu de coordination. Les CLSPD sont un espace réservé par les responsables d’unité, dont nous avons quelques informations mais pas de réelles représentations du travail et des missions.
35. Certains interlocuteurs évoquent des conditions de coopération difficile avec l’administration pénitentiaire. Rencontrez-vous de telles difficultés ?
C’est effectivement le cas et parfois même davantage au sein même des structures carcérales dans lesquelles l’administration pénitentiaire pensent que les missions des uns et des autres n’ont pas les mêmes buts.
Dans certains établissements l’AP, il peut avoir un discours divergeant sur les tentatives de suicides et des postures qui ne favorisent pas les parloirs. Dans d’autres établissements (notamment les QM) nous pouvons avoir un lien intéressant avec des partages enrichissants d’observations et de manières d’aborder la relation avec les mineurs. Pour ce qui est des centre de détention majeur, la procédure de réservation des parloirs n’est jamais tout à fait la même (notamment pour les professionnels contractuels de la PJJ à qui on ne fait pas de carte professionnelle), ce qui génère des erreurs et des pertes de temps.
X. Accès à l’éducation et à des activités
36. Quelle appréciation portez-vous sur l’accès à des activités (travail, formation professionnelle, activités culturelles et sportives etc.) des jeunes sous PJJ dans les différents types de structures de prise en charge ?
Cela va dépendre du territoire et des associations, entreprises existantes. Dans certaines régions, des partenariats permettent de faciliter l’accès à l’éducation, la culture et le travail.
Toutefois, cela demeure assez compliqué. La question du budget est toujours mise en avant.
Une des rares demandes exprimée par les jeunes est de faire du sport. Quand on connaît les bénéfices sur la réduction de l’anxiété et donc des addictions, il est bien dommage de ne pas exploiter ce levier en leur permettant de s’inscrire dans des clubs.
Sur le plan des activités culturelles et du travail sur l’insertion, la proximité d’une UEAJ est un vrai atout.
XI. Actions ou expérimentations prometteuses et exemples étrangers ?
37. La mission n’a pas eu connaissance d’actions ou expérimentations type EMOT ou justice résolutive de problème en faveur des mineurs. Des expérimentations vous paraissent-elles souhaitables en faveur de ces publics ? Avez-vous connaissance d’expérimentations particulièrement prometteuses ou efficaces et d’exemples étrangers dont notre pays pourrait s’inspirer ?
Certains professionnels sont formés à la Justice Restaurative. Les dispositifs de JR que ce soit ceux spécifiques aux détenus (rencontre détenu-victime) ou plus généralistes (médiations restauratives...) sont attendus par l’opinion publique et les usagers. La PJJ est censée promouvoir et porter ces projets et pourtant ce portage est très variable d’un territoire à l’autre. Les professionnels de terrain sont globalement tous mobilisés, les formations de module de base sont très sollicités, mais l’institution freine, ne veut pas donner de moyens supplémentaires, craint qu’ils y aient des demandes, que les professionnels ne fassent plus leur « vrai travail »… La JR est un droit pour tous les usagers et ce droit n’est pas offert à tous les mineurs placés sous main de justice.
Documents
Photos