Déclaration liminaire Comité Technique Spécial GARD / LOZERE du 4 juillet 2025
Monsieur le Directeur Territorial,
La CGT tient à réaffirmer, en ouverture de cette instance, sa vigilance constante face aux dérives populistes et aux attaques réactionnaires portées contre le service public de l’ensemble des directions de notre ministère. Ces derniers mois, notre syndicat s’est fortement mobilisé, notamment contre la loi Attal, dénonçant une réforme tant idéologique qu’inefficace, qui nous éloigne des fondements éducatifs portés historiquement par la PJJ. Nous saluons aujourd’hui la décision du Conseil Constitutionnel, qui a censuré plusieurs dispositions parmi les plus rétrogrades de ce texte, confirmant ainsi la pertinence des alertes et des mobilisations que nous avons portées, y compris dans le cadre de nos contributions extérieures et par nos différentes saisines parlementaires.
Pour autant, cette victoire ne marque pas la fin du combat : la CGT restera pleinement mobilisée pour faire barrage aux idées d’extrême droite qui menacent notre modèle de société et les droits fondamentaux des enfants.
Concernant l’ordre du jour de CSA Gard Lozère, qui porte sur l’examen du projet de service du CEF et sur les documents relatifs à la santé, sécurité, au travail, la CGT PJJ tient en premier lieu à dénoncer une série de constats préoccupants, symptomatiques d’un fossé grandissant entre discours institutionnels et réalités de terrain.
Vendredi dernier, une nouvelle fusillade a éclaté à Nîmes, dans le quartier de Valdegour, faisant plusieurs blessés, dont un mineur suivi par la PJJ. Ce drame nous rappelle, une fois de plus, l’ampleur des difficultés dans certains quartiers gangrenés par les trafics, la violence et la précarité. Nos pensées vont aux jeunes, aux familles et aux collègues touchés de près ou de loin par ces situations dramatiques. Dans ce contexte, la suppression de postes éducatifs en Milieu Ouvert annoncée à la rentrée n’est pas seulement incompréhensible : elle est révoltante. Elle va à rebours des enjeux de société et affaiblit un service public déjà en tension, là précisément où il faudrait le renforcer. Sur ce point, la CGT-PJJ exige à minima le retour des moyens RH dans les unités concer-nées.
Aussi, des dérives préoccupantes s’installent dans les pratiques managériales, même si ce n’est pas nouveau. Certaines décisions tombent sans cadre formalisé, parfois en contradiction avec la réglementation. D’autres trahissent un rapport désinvolte voir cynique au droit. Cette légèreté dans l’exercice de l’autorité mine la con-fiance, abîme les collectifs, et interroge sur la légitimité de certaines postures managériales. Ce climat de verti-calité ou de droit flottant, fait écho, à son échelle, aux logiques autoritaires que nous dénonçons à d’autres endroits.
Malgré plusieurs alertes syndicales, la situation à l’UEMO des Arènes continue de se dégrader. Le climat est désormais marqué par une défiance croissante entre l’équipe et la hiérarchie. La modification unilatérale, par la responsable d’unité, de conclusions éducatives adressées à la magistrature sans en informer leur auteur marque une pratique très inquiétante. Qu’un cadre propose une réécriture ou formule un désaccord relève d’un débat professionnel légitime. Mais modifier un écrit signé, sans concertation ni notification, tout en conservant la signature du travailleur social, revient à usurper sa parole professionnelle. C’est une altération de document, susceptible d’induire en erreur les magistrats, et de mettre l’éducateur dans une situation intenable. Une telle pratique fragilise gravement la confiance dans l’institution. La CGT PJJ rappelle à toute fin utile que l’usurpa-tion de document administratif constitue un délit passible de poursuite pénale. Notre syndicat exige de la DT une réaction adaptée pour cette pratique cesse immédiatement.
Autre sujet d’alerte : la suspension estivale du télétravail, annoncée oralement par le directeur du STEMO de Nîmes. Aucune note, aucun fondement réglementaire, aucune justification sérieuse. Cette décision, transmise de manière informelle nous interroge. Le télétravail est une modalité d’organisation du travail légale et encadrée par les textes. Les agents en télétravail sont bel et bien en service et sont donc comptabilisés dans les effectifs présents. Sur quelle base une telle décision peut-elle être décidée ? La CGT-PJJ dénonce l’arbitraire de cette mesure et demande là aussi que la DT se positionne sans ambiguïté.
La CGT PJJ a examiné le projet de service du CEF de Nîmes. S’il est formellement structuré, ce document apparaît surtout désincarné et hors-sol. Les agents n’y ont manifestement pas été associés : aucune trace de leur réalité, de leurs difficultés, ni de leur parole professionnelle. Ce texte ressemble davantage à une vitrine institutionnelle, un flyer destiné à rassurer la hiérarchie, qu’à un véritable projet éducatif, ancré dans le terrain. À qui ce document s’adresse-t-il ? À la hiérarchie, ou à ceux qui accompagnent au quotidien les jeunes accueillis ? L’absence totale de réflexion sur les jeunes 13–15 ans, pourtant parmi les plus difficiles à accompagner est un signal. Les écrits éducatifs aux magistrats, pourtant fondamentaux, sont inexistants. Quant aux partenariats, ils sont évoqués sans précision, sans convention citée. Enfin, tout donne à penser que l’objectif du dispositif n’est plus tant éducatif mais bien un outil répressif avec pour mission première la protection de la société. Un tel projet ne peut ni mobiliser les équipes, ni améliorer les conditions de travail ou le sens des prises en charge éducatives.
Le Document Unique d’Évaluation des Risques Professionnels du CEF de Nîmes nous interpelle lui aussi. Il y est écrit que le travail posté et de nuit n’engendrerait « pratiquement aucun risque », noté 1 sur 5. Cette évaluation est non seulement consternante mais aussi en contradiction totale avec les données scientifiques et les retours des professionnels, qui identifient le travail en hébergement comme un facteur majeur de pénibilité physique et psychique (Cf notre dernier tract sur la pénibilité/travail de nuit). Minimiser autant la réalité vécue, c’est nier la souffrance des agents. Plus troublant encore : le DUERP indique qu’il n’existerait aucun risque psycho-social au sein du CEF... Dans une structure exposée à la tension, à la violence, et au turnover ? C’est tout simplement complétement déconnecté. Un tel déni jette le doute sur la rigueur de l’évaluation, et sur la volonté réelle de reconnaître les conditions de travail.
En somme, les décisions sans cadre réglementaire, les dérives managériales, le projet de service hors-sol, les évaluations des risques biaisée, révèle une déconnexion grandissante entre les choix institutionnels et les réalités du terrain. Ce fossé alimente la défiance, l’épuisement, et le désengagement des professionnels. Or à la PJJ, rien ne peut se construire sans confiance, sans dialogue, sans reconnaissance du travail réel.