Centre Educatif Fermé : Faire briller en vitrine ce qu’on cache en coulisse

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ENTRE COMMUNICATION TRIOMPHANTE ET VÉRITÉS ENTERRÉES, LA PJJ PERD SON IDENTITÉ ET AU PASSAGE SON INTÉGRITÉ !

Saint-Nazaire, en novembre 2022, le garde des Sceaux Éric Dupond-Moretti inaugurait un Centre Éducatif Fermé (CEF) flambant neuf, le sourire aux lèvres et les éléments de langage bien rodés. Dans les médias locaux, il vantait les CEF comme des dispositifs “à l’efficacité démontrée”, véritables “réussites éducatives” et “réponses adaptées à la délinquance des mineurs”. Le message était clair : les CEF sont la vitrine d’une réponse sécuritaire qui fonctionne !

Le 20 janvier 2023, notre organisation syndicale, qui sollicite un bilan de ces structures depuis leur création, avait interrogé l’administration centrale sur cette enquête. Pour la Directrice de la PJJ, il ne s’agissait que d’une évaluation en interne sur les effets des CEF et non d’un travail rigoureux. Cette recherche, pourtant débutée en juin 2021, devait déjà certainement donner une première orientation. Après 3 ans d’étude, en réponse à notre demande, ni monsieur Migaud en octobre 2024, ni monsieur Darmanin en janvier 2025, n’ont évoqué cette étude pourtant rendue par les services de la direction de la PJJ en septembre 2024. Peut-être parce que dans l’arrière-boutique, une tout autre réalité se tient.
Le 9 mai 2025, Mediapart révèle l’existence d’un rapport interne de la PJJ, soigneusement gardé sous le tapis, qui dresse un constat accablant sur les dysfonctionnements structurels des CEF : violence institutionnelle, instabilité des équipes, défauts graves d’encadrement, absence de projet éducatif structurant… Tout y est. Mais rien n’a été dit. Rien n’a été assumé.

CETTE DISSONANCE N’EST PAS NOUVELLE MAIS DEVIENT RÉELLEMENT INQUIÉTANTE !

Déjà en février 2017, la Cour des comptes publiait un rapport public " La justice des mineurs" qui pointait les limites de ces structures : « Le coût élevé des CEF (environ 600 euros par jour et par mineur) ne se traduit pas par des résultats à la hauteur. Les taux de récidive restent élevés et l’encadrement souffre d’un fort turn-over. »
Elle dénonçait également une gestion éclatée, des carences en suivi éducatif et une évaluation trop lacunaire de leur efficacité réelle.
Le Sénat, dans un rapport d’information du 28 septembre 2022 sur la protection judiciaire de la jeunesse (rapport n° 854 – Commission des lois), allait plus loin en alertant :
« Le recours accru aux CEF, présenté comme une réponse ferme à la délinquance juvénile s’accompagne de nombreuses carences : des projets éducatifs insuffisants, une précarité de l’encadrement, des tensions internes fortes, et une efficacité qui reste très discutable. ».
Les rapporteurs sénatoriaux rappelaient que les CEF ne doivent pas devenir des “zones d’exception”, ni être utilisés comme des leviers de communication politique.
Comment expliquer une telle schizophrénie ?
Comment peut-on, d’un côté, afficher un bilan public “très positif” et, de l’autre, taire un rapport officiel qui alerte sur les graves manquements de ces mêmes établissements ? La vérité est simple : il ne faut pas ternir l’image du dispositif, car le politique a besoin de symboles, d’objets médiatiques, Surtout dans l’objectif de mieux faire passer une nouvelle réforme encore plus sécuritaire de la justice des mineurs ;

LA CGT PJJ REFUSE D’ÊTRE COMPLICE DE CETTE DISSIMULATION

Nous avons alerté depuis des années sur les limites et dérives de nombreux CEF :
absence de ligne éducative claire injonctions sécuritaires aux équipes recours massif à des personnels contractuels et/ intérimaires non formés.
Management dysfonctionnant conditions de travail très dégradées Le silence organisé de l’administration est un mépris pour les agents, pour les jeunes et pour la mission éducative que nous tentons de mener

Il est temps d’exiger la transparence, l’évaluation honnête des dispositifs, et un débat public sur le rôle et les finalités des CEF dans la justice des mineurs. Nous le répétons, les politiques sécuritaires coutent chères, sont peu efficaces et favorisent les risques de récidive. En somme, avec nos impôts, l’Etat génère de l’insécurité.

La CGT PJJ réclame :

  • La publication intégrale du rapport cité par Mediapart
  • Une évaluation indépendante et régulière des CEF, comme exigé par la CGT PJJ depuis leur création.
  • L’arrêt des logiques de communication au détriment du travail éducatif réel
  • Des moyens humains et structurels à la hauteur des enjeux éducatifs, pas des slogans ministériels.
    La CGT PJJ fera tout ce qui est en ses moyens pour obtenir la publicité de ce rapport.

On ne soignera jamais les fractures sociales avec du vernis politique