Déclaration Liminaire du CSA du 11 juin 2025
Monsieur le garde des Sceaux,
Madame la secrétaire générale,
Ce troisième CSA ministériel que vous présidez, se tient, comme le précédent, dans un contexte de fortes tensions pour l’institution judiciaire dont vous n’êtes pas étranger.
Après le discrédit jeté sur la magistrature suite au procès dit des assistants parlementaires du FN par une large partie de la classe politique, l’indépendance de la justice est de nouveau remise en cause, cette fois par le ministre la justice lui-même.
Sous couvert de dénoncer la clémence du Code pénal, et alors que les audiences censées statuer sur les éventuelles infractions commises dans la nuit de samedi à dimanche continuaient de se tenir, vous avez critiqué le soi-disant laxisme des magistrat.es. Quel était le but de cette parole ? Quel impact devait-elle avoir, sur les magistrat.es, statuant en comparution immédiate, quelques jours après l’éventuelle commission des faits et quelques heures seulement après les tweets du ministre de la justice ? Le risque, ou devrait-on dire l’objectif, n’était-il pas de peser sur l’appréciation qu’ils et elles feront des dossiers qui leur sont soumis, en leur faisant craindre d’être à nouveau pris à partie dans l’espace médiatique pour avoir été soi-disant trop cléments.
En agissant ainsi, vous cherchez, Monsieur le garde des Sceaux, à influencer le raisonnement et les décisions des juges. En agissant ainsi, vous commettez, en parfaite conscience, une ingérence dans l’indépendance des magistrats par une voie indirecte mais redoutablement efficace : celle de la pression médiatique
Outre ces méthodes dangereuses, la CGT et le SM déplorent le fond des propositions que vous formulez. Aujourd’hui comme hier, en 2025 comme en 2007, les mêmes propositions sont égrenées dans le même objectif : restreindre la liberté d’appréciation et l’indépendance des magistrats en vue d’accroître la répression de certaines catégories de justiciables. Les peines planchers ont prouvé leur inefficacité, la prison est incapable de lutter contre la récidive et d’oeuvrer à la réinsertion, la surpopulation carcérale atteint un niveau tel que l’IGJ parle d’état d’urgence… pourtant, vous refusez de faire vôtres les propositions qui fonctionnent, telle la mise en oeuvre d’un mécanisme contraignant de régulation carcérale. Vous éludez complètement les sources systémiques qui touchent la justice, services publics qui ne saurait résoudre à lui seul la sous-dotation chronique et l’obsolescence d’un système pénal qui s’acharne sur un public de plus en plus précaire. Il est temps de réinvestir dans de véritables politiques publiques (éducation, santé, protection de l’enfance...) pour redonner à la justice son rôle de pilier d’une société équilibrée. Au contraire, vous formulez, via les réseaux sociaux, des propositions qui n’améliorerons pas le traitement de la délinquance mais engendreront une aggravation drastique de la surpopulation carcérale et une multiplication des risques de réitération des faits.
Qui, sinon la démagogie, peut vous avoir soufflé l’idée de supprimer le sursis ? S’il s’agit certes d’une peine d’avertissement, il s’agit avant tout d’une condamnation, qui trouve parfaitement sa place dans l’échelle des sanctions. En cas de nouvelle condamnation, il peut être révoqué et devenir une peine d’emprisonnement. Et si la personne condamnée à une peine de sursis ne commet pas de nouvelle infraction, c’est que la peine d’avertissement aura fonctionné, comme c’est le cas dans l’extrême majorité des hypothèses. Selon la Cour des comptes en effet, le taux de récidive après un sursis simple est de 36 % dans les cinq ans contre 63 % après une peine de prison ferme inférieure ou égale à deux ans.
Concernant le point principal prévu à l’ordre du jour de ce CSAM, à savoir la création (enfin !) d’une filière technique au sein du ministère de la Justice, il s’agit de l’aboutissement d’une longue revendication de la CGT. Pour autant, elle va se mettre en place de manière extrêmement minimale et dans un certain flou. Ainsi, nos interrogations listées et adressées à l’administration le 25 mai sont restées sans réponse. Les voici pour rappel :
- Toujours aucune cartographie des postes de la filière technique, qu’il s’agisse :
– des titulaires (en intégrant les anciens contractuels fonctionnarisés sur des postes d’administratifs dans le cadre du plan SAUVADET, les administratifs en détachement sur des postes de technique ou des postes de technique occupés par des administratifs)
– des contractuels, avec des interrogations juridiques sur l’impossibilité qui sera désormais faite de recruter des contractuels au titre du premièrement de l’article L332-2 du CGFP. Tout nouveau recrutement ne sera plus possible mais qu’en sera-t-il des contractuels en poste ?
– mais aussi de la cartographie envisagée pour l’avenir ; - Sur les groupes de fonction proposés : les critères doivent être clairement identifiés ;
- Sur les futurs examens professionnels et concours des ingénieurs et personnels techniques : un manque d’identification des filières ;
- S’agissant de la promotion des agent.es techniques, les agent.es polyvalent.es doivent avoir accès à la spécialisation dans le domaine de leurs choix, le plan de formation en lien avec cette réforme doit donc les intégrer pleinement. Au besoin, nos collègues doivent accéder aux formations en interministériel ;
- S’agissant des contractuels Cdéisés, si l’administration n’en fait pas une priorité, la CGT exige que soit offert aux contractuels fonctionnarisés dans le cadre de la loi Sauvadet en SA et attachés (faute de corps correspondant), d’intégrer les métiers techniques qui correspondent au poste qu’ils occupent.
- Nous demandions que la mise en place d’une filière technique soit l’occasion d’engager une politique de réintégration des missions confiées aux prestataires privés. Le débat n’a jamais été engagé sur le sujet ;
- Sur les corps de C, nous dénonçons l’absence de nivellement par le haut qui aurait pu conduire à la reprise de la grille des AT DAP pour le nouveau corps unique des AT du MJ plutôt que de supprimer cette grille à l’horizon 2028 (point sur lequel nous reviendrons par ailleurs). La grille des AT DAP se voulait bien plus ambitieuse que celle proposée aujourd’hui car construite sur deux grades et 17 échelons et non sur 3 grades et 21 ou 22 échelons a minima.
- Sur la grille des B, nous avons dénoncé (et démontré) que le passage en 3 grades (au lieu de 2 actuellement) serait un recul tant pour les futurs collègues que pour les collègues qui seraient reclassés au moment de la mise en place de la réforme. Si ces derniers ne seront pas forcément perdant au moment du reclassement, un certain nombre le seront sur la durée.
Bref, beaucoup de flou pour une réforme qui impacte directement les agents de la filière technique tout comme le fonctionnement de nos différents services. Par-delà, c’est un cruel manque d’ambitions que nous constatons et que nous dénonçons.
Les représentant.e.s CGT et SM
SJ - CGT : 01 44 32 58 60 – fax : 01 46 33 26 98 – synd-cgt-acsj@justice.fr
La CGT Pénitentiaire : 01 55 82 89 67 – secretariat@cgtpenitentiaire.com
La CGT insertion probation : 01 55 82 89 71 – spip.cgt@gmail.com
Syndicat de la Magistrature : 01 48 05 47 88 - contact@syndicat-magistrature.org